Après la crise, quelles pistes de changement, dans la régulation du capitalisme ? (4)
Renforcer la gouvernance économique mondiale
Au niveau macroéconomique, le risque de déflation mondiale nécessite que l’ensemble des pays mène des politiques monétaires et budgétaires concertées. La gestion conjoncturelle des crises d’origine bancaire et financière rencontre un certain consensus keynésien selon lequel la liquidité perdue doit être rétablie rapidement. Les leviers aux mains des pouvoirs publics sont la politique monétaire, la relance budgétaire et la politique de change, en supposant que le recours au protectionnisme soit écarté. Si les taux ne peuvent plus être abaissés, situation dont se rapprochent les pays développés, les conditions d’une «trappe à liquidité», où l’apport de «monnaie banque centrale» au secteur bancaire ne suffit plus à réamorcer l’investissement physique et financier, sont réunies. La relance budgétaire, éventuellement dans sa variante fiscale, devient alors, en omettant dans un premier temps la politique de change, le seul instrument disponible.
C’est le chemin que suivra le nouveau gouvernement américain. Le débat outre-atlantique se concentre actuellement sur les volumes en jeu, l’efficacité des allègements fiscaux et leur impact sur la dette. En Europe, les mesures keynésiennes, après certaines réticences allemandes, semblent plus coordonnées et paraissent résister aux tentations protectionnistes.
Cependant, les déséquilibres mondiaux (matérialisés par une surconsommation américaine financée par des excédents chinois) qui ont largement alimenté la crise, sont en partie le résultat de politiques monétaires et de politiques de change non coopératives. En effet, les États-Unis ont maintenu un cours du dollar très bas grâce à l’afflux de l’épargne mondiale alors que le yuan était notoirement sous-évalué.
L’explication à ce jour la plus aboutie de cette situation a été apportée par Cavallero, Fahri et Gourinchas1 qui montrent que la simple asymétrie de développement des marchés financiers entre les États-Unis et l’Asie était à même d’expliquer ces déficits dans un modèle d’équilibre stationnaire.
La coordination des États doit œuvrer à une relocalisation des liquidités émanant des pays émergents, notamment en incitant ces derniers à mener des politiques plus redistributives et à mettre en place des politiques d’assurance sociale qui provoquent une diminution du taux d’épargne.
En l’état actuel, le risque d’une déflation mondiale est en effet entretenu par la difficulté des pays émergents, et de la Chine en premier lieu, à recycler leur épargne, faute d’institutions adéquates.
Cette situation conduit à financer les États-Unis et à pousser les taux d’intérêts à la baisse, entretenant le recours au crédit dans les pays riches. Il ne faudrait donc pas que des dépréciations du yuan vis-à-vis du dollar et du dollar ou de la livre vis-à-vis de l’euro entretiennent les conditions propices à l’émergence de nouvelles crises.
L’exportation de la déflation américaine ou britannique, couplée à une politique de change chinoise agressive, pourrait entretenir une déflation mondiale qui retarderait un rétablissement des économies sur le court terme. Pour sortir de ce cercle vicieux, une coopération renforcée en matière monétaire serait nécessaire. À moyen terme, la principale incertitude sur la croissance mondiale réside dans la dynamique d’endettement public.
Les chefs d’État français et allemand se sont également exprimés en faveur de nouvelles institutions élargies de coordination des politiques économiques au niveau mondial.
Celles-ci pourraient prendre la forme d’un «conseil économique mondial», pendant au Conseil de sécurité de l’ONU et assorti d’une «charte pour une économie à long terme raisonnable» à l’image de celle des Nations unies sur les droits de l’Homme, selon certaines propositions allemandes. Mais il serait aussi possible de confier cette coordination à un FMI renforcé. Lors de sa réunion du 15 novembre dernier, le G20 avait mis en exergue la fonction de surveillance financière du FMI, en contrepoint de la production de normes (comptables ou prudentielles) coordonnée par le FSF (Forum de stabilité financière).
Note:
1. Cf. «An Equilibrium Model of Global Imbalances and Low Interest Rates», American Economic Review, 98: 1, pp.358-397, 2008.
Source: Centre d’analyse stratégique «La note de veille», n°120, Janvier 2009
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