La loi antivoile du 15 mars 2004: l’interdiction au «pays des libertés» (1)
La loi du 15 mars 2004 «encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics» est en vigueur sur le territoire de la République française depuis le 2 septembre 2004.
De prime abord, il apparaît que cette loi ne se limite pas à «encadrer» le port de signes ou de tenues ostensibles, mais qu’elle l’interdit clairement. Il s’agit dès lors d’une prohibition légale soumise, en tant que telle, à l’inévitable question de son champ d’application. En toute logique, il ne saurait être question en matière de droits fondamentaux de centrer l’autorité de la Loi autour d’un interdit non clairement circonscrit. En droit public plus encore qu’ailleurs, la liberté demeure en effet la règle et la restriction l’exception. Ainsi, s’agissant d’une limitation dans l’exercice d’une liberté individuelle, et eu égard à l’importance des conséquences d’une telle atteinte, il est apparu nécessaire de préciser, dans le prolongement des dispositions légales, quelle pouvait être l’étendue de l’interdiction du port de signes ou tenues ostensibles telle qu’envisagée par la loi et explicitée par la circulaire prise en vue de son application. D’une brièveté proportionnellement inverse à son importance, le corps de la loi (article 1) est ainsi rédigé:
«(…) Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. Le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève.».
La circulaire du 18 mai 2004 quant à elle, dans ses parties les plus pertinentes (II, 2.1) prend le soin de préciser que:
«les signes et tenues qui sont interdits sont ceux dont le port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse tels que le voile islamique, quel que soit le nom qu’on lui donne, la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive. La loi est rédigée de manière à pouvoir s’appliquer à toutes les religions et de manière à répondre à l’apparition de nouveaux signes, voire à d’éventuelles tentatives de contournement de la loi. La loi ne remet pas en cause le droit des élèves de porter des signes religieux discrets. Elle n’interdit pas les accessoires et les tenues qui sont portés communément par des élèves en dehors de toute signification religieuse. En revanche, la loi interdit à un élève de se prévaloir du caractère religieux qu’il y attacherait, par exemple, pour refuser de se conformer aux règles applicables à la tenue des élèves dans l’établissement.».
L’état du droit est donc somme toute assez simple: toute tenue, quel que soit son originalité, son aspect novateur ou ses connotations, sera proscrite dans l’espace scolaire public (entendu largement puisque la circulaire l’étend aux sorties scolaires) pendant le temps de la scolarisation de l’élève, quand elle marquera «ostensiblement» l’appartenance à une religion ou à une option confessionnelle autre. En revanche, les tenues ou les signes qui marqueront ostensiblement une appartenance politique ne seront pas interdits. Il en découle plusieurs conséquences qui, en terme de droits, revêtent une importance toute particulière dans la mesure où, rappelons-le, il s’agit ici de limiter l’exercice d’une liberté fondamentale, en l’occurrence la liberté d’expression ainsi que celle liée à la manifestation des convictions religieuses. Parmi celles-ci, nous sommes logiquement amenés à déduire de la loi que toutes les tenues qui ne marqueront pas «ostensiblement» une adhésion à un culte ne pourront tomber sous le coup de l’interdiction. Il doit alors en être ainsi des signes ou tenues religieuses simplement «visibles» mais également encore de ceux considérés expressément par la circulaire comme «discrets».
Ceci est d’ailleurs confirmé par le fait que le chef de l’Etat ait volontairement fait le choix d’opter pour l’interdiction de signes spécifiquement «ostensibles» et non «visibles»; reprenant ainsi une proposition de la commission de réflexion présidée par M. Bernard Stasi au détriment de celle faite par la commission d’information parlementaire présidée par M. Debré. Cette analyse trouve également un écho semblable dans les dispositions de la circulaire selon lesquelles ne sont pas interdites les tenues discrètes ou celles encore qui, de part leur généralité, perdent leur caractère religieux. Rappelons de surcroît que ce n’est que lors de la dernière mouture de la circulaire, la troisième et dernière, qu’a été remplacé le terme «couvre-chef» par le mot «tenue». L’on peut d’ores et déjà excipé du fait qu’à la lecture de la loi, un couvre-chef porté communément par les élèves et qui ne reflète donc pas l’appartenance à une religion déterminée, n’est pas susceptible d’entrer dans son champ d’application. Il importe peu, par ailleurs, que ce couvre-chef revête une signification particulière pour certains élèves qui l’associent, sans l’exprimer et sans qu’on puisse le comprendre de leur comportement, à leur pratique spirituelle.
Sources:
Islamophobie.net
Wikipedia.org
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/034000725/0000.pdf
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