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  • 18/10/2007
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La quatrième guerre mondiale (3) : la stratégie de la guerre préventive

    Dans la troisième partie de notre série d’articles sur le concept de quatrième guerre mondiale, nous explorons brièvement la révolution stratégique à laquelle s’est livrée la doctrine de défense du régime américain après les événements du 11 septembre 2001. En adoptant la stratégie de la guerre préventive en tant que doctrine présidant à toute prise de décision dans la prétendue « lutte contre le terrorisme », les Etats-Unis se sont affranchis du cadre légal international et deviennent de ce fait un « pays producteur et exportateur de non droit ».

carte du moyen-orient
Carte du Moyen-Orient

   « En considérant les objectifs des états voyous et des terroristes, les Etats-Unis ne peuvent se contenter de comportements passifs qu’ils ont eu dans le passé. L’inanité de toute dissuasion face  aux attaques probables d’assaillants, l’immédiateté des menaces actuelles, et la sévérité des dégâts que nos ennemis pourraient nous affliger avec des armes choisies par eux-mêmes,  ne nous permettent pas de nous appuyer sur la seule dissuasion. Nous ne pouvons pas permettre à nos ennemis de nous attaquer les premiers. C’est pourquoi la saine raison et la défense légitime dictent aux Etats-Unis, avant que ne se finisse la formation en cours de ces menaces, que nous luttions contre cette menace. »

                                                                                                             Livre Blanc sur la défense américaine 2002

 

   Les Etats-Unis ont modifié leur stratégie de défense après l’opération du 11 septembre 2001. En effet, en terme d’utilisation de la force armée, la dissuasion est désormais considérée comme inefficace et a été remplacé par la guerre préventive. Cette stratégie a été mise en pratique en Irak en 2003.

couverture du nouvel ouvrage du néo-conservateur américain
Couverture du nouvel ouvrage du néo-conservateur américain Norman Podhoretz publié en septembre 2007

 

 

L’assaut préventif

 

   La prévention vient du terme latin « praevenire » et signifie dépassement. En anglais, « prevent » peut signifier « prévenir une force ou encore éloigner un événement ». Le terme de « préemption » vient du latin « praemere » et renvoi à l’achat avant tous les autres. Ici, la préemption est l’action préméditée et initiée par la personne agissante elle-même. La guerre préventive a lieu quand on considère que l’ennemi a pris la décision d’attaquer ou que l’attaque a effectivement commencée.

Prévenir une menace consiste à la traiter avant qu’elle ne se transforme en un problème alors que préempter une menace est une stratégie plus difficile consistant à prendre une décision au cœur d’une crise. C’est pourquoi l’on peut affirmer que « la prévention est un mouvement similaire mais ralenti au mouvement de la préemption avec une capacité de prévision supérieure ».1

 

tank sioniste
Tank sioniste en Palestine occupée

    La guerre préventive commence avec l’idée que, bien qu’un conflit armé ne soit pas imminent, ce dernier est toutefois inévitable et tout retardement dans la prise de décision ne fait qu’augmenter le niveau de la menace. Graham Alison décrit cette stratégie dans les termes suivants : « moi, je dois me battre avec vous ; comme je suis plus fort que vous, alors j’ai tout intérêt à me battre effectivement avec vous » .2

   Les propos d’Alison confirme l’idée selon laquelle la nouvelle stratégie américaine est plus fondée sur la prévention que sur la préemption car elle assume un ennemi faible incapable de recourir à une action imminente et …

 

soldat sioniste menaçant
Soldat sioniste menaçant de son fusil d’assaut F-16 la foule impavide de croyants palestiniens en Palestine occupée

La stratégie américaine : la guerre préventive

 

   Le président américain George Bush, dans son allocution du 1 janvier 2002, compara la situation de l’après-11 septembre avec celle prévalant lors de la Guerre froide et déclara : « la plupart du 20ème siècle, la défense de notre pays était basée sur des doctrines issues de la guerre froide, c"est-à-dire la retenue et les dissuasion. Dans certains cas, ces doctrines sont toujours en cours. Si nous attendons que les menaces se réalisent réellement pour agir, alors nous aurons attendu trop longtemps…Nous devons lutter contre nos ennemis et confronter la moindre menace avant même que celle-ci n’apparaisse… » .3

   Par la suite, Bush a déclaré ouvertement dans son discours de la même année à l’Académie militaire de West Point : « les Etats-Unis, chaque fois qu’ils le jugent nécessaire, recourra à la guerre préventive unilatérale… » .4

   L’adoption par les Etats-Unis d’une stratégie de guerre préventive a été déclaré d’une manière plus claire encore par l’ex-ministre de la défense Donald Rumsfeld : « la défense des Etats-Unis implique la guerre préventive, la légitime défense et parfois la préemption…La lutte contre le terrorisme et contre les menaces apparaissant au 21ème siècle implique peut-être le lancement d’une guerre contre l’ennemi. La meilleure défense et dans certains cas la seule défense qui soit, est le lancement d’une guerre adaptée ».5

   Après ces déclarations officielles, la stratégie de la guerre préventive a été immédiatement introduite dans les documents stratégiques américains. Dans l’un des documents stratégiques du Pentagone daté du mois de mai 2002, il est rendu public que le projet de bouclier spatial rentre dans le cadre de la stratégie de préemption consistant à couvrir toute cible terrestre ou extra-terrestre de la part de l’armée américaine. 6

    Par ailleurs, il a été annoncé que la stratégie de guerre préventive implique que l’arsenal nucléaire américain ne soit plus destiné à des seules fins de dissuasion mais également dans le nouveau cadre stratégique ce qui impose une miniaturisation des ogives nucléaires pour permettre une banalisation de leur utilisation .7

les territoires palestiniens
Tank sioniste visant des civils lors d’une opération « anti-terroriste » dans les territoires palestiniens

   

   Aussi en 2002, le comité des sciences de la Défense conseillant le Pentagone en matière de technologie et de politique défensive, a publié un rapport concernant « l’action des forces spéciales et des forces interarmées contre le terrorisme ». L’une des conclusions du rapport consistait à la mise sur pied d’un groupe d’opérations préventives afin de provoquer les groupes terroristes à faire des attentats pour donner aux forces américaines le prétexte pour entrer en guerre .8

Dans le chapitre cinq du document stratégique de sécurité nationale américaine en 2002, il est avancé publiquement qu’en vue de contrer les menaces de nos ennemis contre nous, nos alliés et amis peuvent utiliser des armes de destruction massive lors d’opérations préemptives ou préventives. Cette affirmation est rappelée dans ce même document publié en 2006.

 

    L’Irak comme le laboratoire stratégique de la guerre préventive.

 

caravane commerciale
Caravane commerciale transitant des biens dans les montagnes afghanes

  Après son intervention en Afghanistan, la Maison blanche a mis sur pied l’une des opérations de propagande les plus importantes de l’histoire moderne pour convaincre l’opinion publique du bien-fondé d’une guerre contre l’Irak dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. En octobre 2002, après que Bush ait considéré que Saddam fût un dictateur doté d’armes de destruction massive, il déclara que l’Irak était doté de vaisseaux capables de transporter des drones armés d’armes chimiques leur permettant d’atteindre une zone très large du territoire américain. Il déclara en outre : « nous sommes inquiets du fait que les irakiens utilisent ces drones pour lancer des attaques contre les Etats-Unis ». 9

  En octobre, le Congrès américain a donné tous les pouvoirs au Président pour lancer la guerre contre l’Irak. Tous les pouvoirs dans l’utilisation de la force armée et des armes de destruction massive ont été donnés au Président pour sa guerre préventive contre l’Irak. Le 28 janvier 2003, le président Bush déclara dans son discours de l’Union que les britanniques se sont rendus compte que les irakiens s’étaient procurés une quantité non négligeable d’uranium en provenance d’Afrique.  A la suite de quoi le Département d’Etat a déclaré que le Nigeria avait procuré des matières fissiles à l’Irak.

le général colin powell
Le général Colin Powell, secrétaire d’Etat américain lors de l’agression de l’Irak par les Etats-Unis

    Le 5 février 2003, Colin Powell prétendit que les informations secrètes détenues par les Etats-Unis démontraient que l’Irak était en possession d’armes de destruction massive de caractère chimique, biologique et nucléaire. « Afin d’accréditer encore plus ses propos, il avait fait asseoir George Tenet sur le siège derrière lui tel que Tenet était visible sur toutes les images télévisées. Bien que silencieux, cette mise en scène tendait à faire croire que les déclarations de Powell s’appuyaient sur les informations de la CIA » . 10

Powell prétendit aussi que l’Irak avait produit environ 4 tonnes de gaz nerveux VX dont le seul contact avec la peau suffisait à provoquer la mort en quelques minutes. Une autre accusation de l’administration Bush était de dire que Saddam avait soutenu le réseau d’Al Qaida dans l’opération terroriste du 11 septembre 2001. En Août 2002, Rumsfeld a déclaré à la télévision NBC que des membres d’Al-Qaida se trouvaient en Irak, en prétendant que son administration détenait des preuves documentées de liens existant entre Al-Qaida et le régime irakien en ajoutant que l’Irak s’était transformée en une retraite pour le saoudien wahhabite Oussama Bin Laden et le dirigeant taliban Molla Omar.

saud al-faysal et condolizza rice
Saud al-Faysal, ministre saoudien des affaires étrangères et Condolizza Rice, actuel Secrétaire du Département d’Etat américain

 

Analyse et étude

la mosquée suleimanye d’istanbul
La mosquée Suleimanye d’Istanbul construite pour le calife Soliman le Magnifique entre 1550 et 1557

  Dans son attaque contre l’Irak, les Etats-Unis ont justifié leur action en prétendant que les armes de destruction massive dont aurait été doté l’Irak menaçaient directement la sécurité des Etats-Unis, d’où leur droit inaliénable de se défendre préventivement. Or, selon la Charte de l’ONU, toute acte de légitime défense préemptive a les spécificités suivantes :

-a) si une telle attaque est une réponse à une attaque armée en cours ou réalisée par un autre Etat, elle pourra exceptionnellement être qualifiée de légitime, dans la limite du respect des conditions et des restrictions à cet égard

-b) si une telle attaque est décidée par le Conseil de Sécurité dans le cadre du chapitre sept de la Charte, en vue du retour à la paix ou de son maintien, elle est considérée légitime.

soldats d’occupation américains
Soldats d’occupation américains défonçant l’entrée d’une maison en Irak

 Toute offensive démunie de l’une de ces deux spécificités est qualifiée d’agression et de son degré d’intensité dépendra la réponse et la rapidité de sa transformation en une guerre d’agression. Par conséquent, toute attaque ayant lieu sans la preuve document de l’attaque antérieure de la part d’un autre état ou ne se basant que sur la probabilité d’une menace future constitue une violation à l’interdiction du recours à la force,  est qualifiée de criminelle imposant une responsabilité internationale pour l’Etat en cause ainsi qu’une responsabilité pénale à l’encontre des décideurs politiques et militaires impliqués dans la décision .11

 Par ailleurs, selon l’article 2 de la résolution définissant le concept d’agression et adoptée à l’unanimité, la préemption d’un état dans l’utilisation de ses forces armées au prétexte d’une réponse à une menace imminente d’attaque armée au titre de défense préventive est contraire à la charte des Nations Unies et considérée comme un acte d’agression . 12

enfant irakien blessé
Enfant irakien blessé et terrorisé

    Un autre point important est d’avoir conscience que toutes les déclarations officielles de la part du Président des Etats-Unis, du ministre de la défense, du secrétaire du Département d’Etat, du chef du Conseil de sécurité nationale, du chef de la CIA concernant la présence d’armes de destruction massive en Irak n’étaient que purs mensonges. Suite à l’installation des troupes d’occupation en Irak, les services de renseignements américains et britanniques ont tout simplement réfuté leurs accusations antérieures et aucune de ces armes n’ont été trouvé en Irak.13

   Malgré tout, les partisans de la guerre contre l’Irak se sont essayés à la justifier après l’échec des « efforts » pour trouver ces fameuses armes de destruction massive. Richard Perle et David Frum dans leur ouvrage intitulé Eradiquer Ahriman : le comment de la victoire dans la lutte contre le terrorisme  publié en 2003, écrivent : « En ce qui concerne la critique de la décision de Bush et Blair pour attaquer l’Irak, sur la base de documents fabriqués, il faut dire quelques points : le fait de s’appuyer sur des informations brutes, incertaines voire de simples suppositions, en ce cas, est la sagesse même et demeure éminemment préférable à l’attente de l’émergence de la menace de le voir (Saddam) acquérir des armes de destruction massive » . 14

brigade armée
Brigade armée du mouvement de résistance palestinien « Jihad islamique »
 Par conséquent, on peut affirmer que la stratégie de guerre préventive est illégale d’un point de vue juridique et les Etats-Unis, en se reposant sur cette stratégie, s’efforce de soumettre les pays s’opposant à sa politique, et en cas d’insoumission, de procéder à leur destruction complète.

                                                                                                                                                              H.Husseyni

 

  Le prochain article de cette série sera consacré au sujet de la non prolifération des armes de destruction massive dans région du Moyen Orient.

 

Articles relatifs au sujet :

La quatrième guerre mondiale : du début à aujourd’hui (1 /7)

La quatrième guerre mondiale (2 / 7)

LA QUATRIEME GUERRE MONDIALE (4/ 1) : LA SRATEGIE AMERICAINE DE NON PROLIFERATION DES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE

LA QUATRIEME GUERRE MONDIALE (4/2) : LA SRATEGIE AMERICAINE DE NON PROLIFERATION DES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE

La quatrième guerre mondiale (6) : la stratégie d’expansion démocratique

Guerre mondiale (7 /7) : la stratégie de « nation building »

 

Notes:

1.  AMIRI, Mahdi. « Dissuasion », Stratégie Défensive, No.11 (printemps 1385), p.171

2.  ASGARI, Mahmud. Ibid, p.157

 3. TURABI, Tahereh. Stratégie défensive, No.12, p.68

  4.NASIRI, Naser. La doctrine de sécurité nationale de G.Bush au Moyent-Orient, Téhéran : Institut de recherches stratégiques internationales Abrar, 1383, pp.186-187

5.  www.defenslink.mil

 6. LATIFI, Saideh. « Evaluation de la menace en armes de destruction massive dans le Moyen-Orient et la façon d’y faire face », Moyen-Orient, 12ème année, No.2, été 1384, p.23

 7. Idem, p.23

8. Jonhson, Chalmers. Blowback: The Costs and Consequences of American Empire

  9. Idem

10.  Idem

 11. RAFI’I, Kamal ad din. « Etude juridique de la doctrine de défense préemptive », Politique de défense, No.44, Automne 1382, p.89

12. http://www.isu.ac.ir/publication/Neda-ye-Sadiq/Neda-ye-Sadiq_36/Neda-ye-Sadiq_3603.htm

13.  KLARK, « Les vraies raisons de la guerre contre l’Irak : analyse macroéconomique et géostratégique de vérités cachées », Golfe Persique (mensuel), No.36, 1382, p.33

14.  SADEQI, Eradiquer Ahriman : le comment de la victoire dans la lutte contre le terrorisme, Politique étrangère, année 17, No.4, Hiver 1382, p.1178

 

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