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Les Huit Paradis de Jeanne Bibesco (1)

les huit paradis de jeanne bibesco

   Dans son récit de voyage, Les Huit paradis, la princesse Jeanne Bibesco (1864-1944), femme de lettres d’origine roumaine, décrit la beauté de l’Iran en recourant à un conte mystique inspiré des Robãiyãt d’Omar Khayyãm, poète, mathématicien et astronome persan des XIe-XIIe siècles.

Le trajet de la princesse Bibesco renferme un cheminement exotique où les huit lieux historiques et culturels de l’Iran révèlent le nom de huit paradis, dont l’énigme s’offre comme une réalité tangible au regard de tout écrivain-voyageur.

   Dans cet ouvrage, l’Iran est décrit comme terre de sagesse et de raison dominée par la pensée de Khayyãm. En effet, l’admiration de l’auteur pour Khayyãm se montre en diverses et nombreuses occasions durant son voyage. Et à l’admiration pour Khayyãm s’ajoute l’image d’un Iran profondément mystique.

Chez le potier, alors qu’elle achète des turquoises polies, Jeanne Bibesco écrit: «Khayyãm le Sage, Khayyãm qui te penches à mon oreille tandis que mes mains caressent le flanc des urnes bleues, toi qui vécus dans Naishãpour, il y a plus de neuf cents ans, maître très avisé, je le parierais dans cet immobile empire persan que tu as connu, conseil judicieux, ô docteur très prudent! Les boutiques de potiers gardent, même ordre et même aspect.» [1]

   Pour Jeanne Bibesco, la figure mystique de Khayyãm émerge du contraste entre sa sagesse et la brutalité environnante: «Plus Khayyãm est appréhendé au sein de son époque troublée, plus sa parole se voit nettement, brutalement restituée, plus il trouve d’échos aujourd’hui.» [2] Visiblement, les Quatrains de Khayyãm ont été pour elle une source où puiser dans une vitalité iranienne définie dans un certain cadre mystique oriental où le rapport avec la Divinité suprême est au centre de l’existence. D’où la recherche d’un Ailleurs mystique, recherche à laquelle s’identifie la voyageuse.

Selon Christine Oddo, «Jeanne avait une vocation religieuse: après plusieurs essais manqués, elle la réalisa en Algérie sous la protection et avec le soutien du cardinal Lavigerie, archevêque d’Alger et primat d’Afrique […] pour l’évangélisation du continent.» [3]

    Ainsi, on pourrait penser que le voyage de la Princesse Bibesco en Iran est une opportunité lui permettant de cristalliser ses méditations religieuses dans un mysticisme à la Khayyãm, où la bénédiction de la Providence évoquerait la trame d’une philosophie de vie. Ce quatrain de Khayyãm, dialogue mystique transcrit par Jeanne Bibesco, est un aveu de sa spiritualité:

Il faut être prudent, au royaume des cieux.

Mais ici-bas, il faut surtout savoir se taire,

Oublier ses oreilles, sa langue et ses yeux,

Ne rien entendre, ne rien voir - et puis se taire. [4]

Notes:

[1] La Princesse Jeanne Bibesco, Les Huit Paradis, Paris, Grasset, 1925, p. 97.

[2] André Velter, in préface, Omar Khayam, Rubayat (traduction d’Armand Robin), Gallimard, Paris, 1994, p. 14.

[3] Christine Oddo, La Princesse Jeanne Bibesco, Cerf, Paris, 2007, p. 10.

[4] Vincent-Mansour Monteil, Omar Khayam, quatrain, Sindbad, Paris, 1998, p. 103.

Bibliographie:

La Princesse Jeanne Bibesco, Les Huit Paradis, Paris, Grasset, 1925.

Velter, André, Omar Khayam, Rubayat, Gallimard, Paris, 1994.

Oddo, Christin, La Princesse Jeanne Bibesco, Cerf, Paris, 2007.

Ducros, D., Lecture et analyse du poème, A. Colin, 1996.

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