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Minãkãri

minãkãri

   L’émaillage ou minãkãri, connu également sous le nom de «miniature de l’incendie» est un des éléments essentiels de l’artisanat iranien. L’émaillage comprend à la fois la peinture, la coloration et l’ornement de la surface de métaux et de tuiles par la fusion de couleurs brillantes, qui sont décorés selon des motifs et dessins finement ouvragés.

   Le terme de minã est la forme féminine de minou en persan, qui signifie le ciel. Minã fait ainsi référence à la couleur azur du ciel. L’artisanat du minãkãri tire son origine de l’époque sassanide, où il a été initialement conçu et pratiqué par les artisans iraniens avant de se répandre par la suite et par les Mongols, jusqu’en Inde. Néanmoins, la pratique de cet artisanat durant la période islamique et notamment avant le règne du septième souverain Mongol Ghãzãn Khãn, n’est pas attestée. Ce dernier avait de solides connaissances en chimie qu’il aurait employées notamment dans le domaine de l’émaillage, contribuant à relancer sa pratique. Quelques siècles plus tard, le touriste français Jean Chardin, ayant visité l’Iran sous le règne des Safavides, fait allusion dans son journal de voyage à une œuvre d’art émaillée qui comprenait des motifs d’oiseaux et d’animaux sur un fond floral en bleu clair, vert, jaune et rouge.

   Plus techniquement, le minãkãri peut être défini comme une technique de fusion de verre en poudre, fondu à chaud, généralement entre 750 et 850 °C. La poudre fond, s’écoule et durcit sur une surface lisse, résistante et vitreuse recouverte de métal, verre ou céramique. L’argent constitue une matière de base dans l’émaillage favorisant la fusion entre l’émail fondu et le métal. Les peintures et les modèles utilisés pour les travaux en émail en Iran sont des motifs traditionnels dont le choix dépend du goût et des préférences de l’artiste. Dans la version persane de l’émaillage, le cuivre et l’argent sont les métaux les plus utilisés. On utilise également des outils spéciaux tels que fourneaux, pinces, machines de presse et pinceaux. L’émail est généralement utilisé pour embellir des vases, des bijoux et des chandeliers ainsi que les portes et les lustres des lieux saints. L’or a été utilisé traditionnellement pour l’émaillage des bijoux du fait de sa solidité et de son lustre qui fait ressortir les couleurs des émaux. L’argent a été introduit plus tard et employé pour des objets tels que des boîtes, des bols, des cuillères et d’autres pièces d’art. D’autre part, le cuivre qui est utilisé pour des produits artisanaux a été introduit après l’adoption de la Loi du contrôle de l’or (Gold Control Act) selon laquelle les émailleurs du monde entier furent contraints de remplacer l’or par un nouveau materiel.

La province d’Isfahãn est sans aucun doute le berceau de l’artisanat de l’émaillage en Iran.

   La décoration de métaux constitue l’une des caractéristiques éminentes de l’art de cette ville. Le minâ fait ici plus précisément référence à la couche de couleur vitreuse qui se cristallise par la chaleur sur différents métaux, en particulier le cuivre. Bien que cette démarche soit abondamment utilisée dans l’industrie pour la production des ustensiles métalliques, elle a attiré l’attention des peintres, des orfèvres et des graveurs métalliques depuis longtemps. Le minãkãri peut être divisé en trois catégories : la peinture émaillée, le tchãrkhãneh ou en carreaux et la cavité émaillée. La peinture émaillée reste aujourd’hui la seule forme de l’artisanat de minãkãri qui a été préservée à Ispahan ; les musées de l’Iran et de l’étranger témoignant de l’attrait des artistes pour cet art depuis les périodes achéménide et sassanide. Les émaux sont si délicats que peu d’entre eux ont survécu jusqu’à nos jours. Cependant, certains documents historiques indiquent que tout au long de la civilisation islamique et pendant les dynasties seldjoukide, safavide et zand, un grand nombre de plats et objets émaillés étaient fabriqués. La plupart des plats émaillés antiques datent de la dynastie qãjãr, entre les années 1810-1890. Il existe également des boucles d’oreille, bracelets, boîtes, vases, et des plats en or avec de belles peintures aux couleurs bleues et vertes datant de cette période.

La Première Guerre mondiale suivie par la révolution sociale en Iran entraîna une période de stagnation qui se perpétua durant près d’un demi-siècle. Toutefois, cet art s’épanouit encore une fois, tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif, grâce aux efforts d’Ostãd Shokrollãh Sani’zãdeh, grand maître de l’émaillage et peintre remarquable d’Ispahan dans les années 1930-1970.

   La précision et la persévérance sont deux qualités essentielles dans la pratique de cet artisanat. L’ornement est d’abord réalisé sur de l’argent, puis l’artiste dessine le motif désiré. Le graveur doit ensuite ébaucher ce motif pour faire adhérer solidement l’émail au métal. L’émailleur orne ensuite le dessin gravé avec des couleurs spéciales appelées minã. Un seul morceau de minã passe à travers de nombreux strates pour atteindre sa perfection. Les motifs géométriques complexes du minãkãri symbolisent divers éléments d’une structure de croyances qui a évolué durant les siècles, depuis la domination du mithraïsme jusqu’à l’époque actuelle. A titre d’exemple, le médaillon central qui se trouve en général sur les plats émaillés symbolise Mithra, le soleil. Les années suivant la période de stagnation du début des années 199o ont été marquées par un renouveau du minãkãri avec la création d’un nombre considérable d’objets émaillés.

   Le processus de fabrication de tels objets n’est pas très compliqué. Tout d’abord, un substrat métallique comme le cuivre, l’argent ou le laiton est choisi, travaillé et mis en forme par des chaudronniers. Cet objet métallique mis en forme constitue la base de l’émail. Dans le passé, l’émail était appliqué sur la tuile, la céramique et le verre, mais aujourd’hui, le cuivre est le plus souvent utilisé car il est malléable et souple. Il est préférable d’utiliser une couche de cuivre de première main qu’une recyclée. Le corps est recouvert d’un émail par trempage. Puis il est chauffé à une température maximale de 750 °C et recouvert d’un glaçage de meilleure qualité. Il est ensuite de nouveau chauffé. Cette étape est habituellement répétée trois ou quatre fois. Généralement, l’émail est constitué de silicium, magnésium, potassium, plomb, pierres précieuses, feldspath, kaolin, zirconium, étain et d’acide borique. Le corps métallique vitré et chauffé est maintenant prêt pour tout type de motifs, selon la créativité de l’artiste. Cette étape est appelée la peinture avec des couleurs magiques. Ces couleurs sont obtenues à partir des produits chimiques suivants:

1- Vernis blanc: étain, cristal au plomb, silex

2- Couleur turquoise: cristal au plomb, étain, silex, galets de cuivre

3- Jaune: oxyde de fer, oxyde d’étain, oxyde de plomb

4- Noir: oxyde de fer, dioxyde de manganèse, plomb, oxyde de cobalt

5- Violet rouge: Crystal, nitrate d’ammonium, or dissous

6- Vert: bardeaux de cuivre, verre flint (pierre), chromate de plomb

7- Marron: Oxyde de chrome vert, oxyde de fer, oxyde de zinc

8- Bleu: oxyde de cobalt, oxyde de zinc, silex.

   Une fois que la peinture est terminée, les plaques émaillées sont remises au four à une température d’environ 600 °C, ce qui fait ressortir les couleurs finales. Dans le passé, les colorants inorganiques étaient utilisés dans cet art, mais aujourd’hui les couleurs chimiques sont davantage utilisées.

Les critères influant sur la qualité de l’object sont la sélection d’un métal approprié, la décoration, le type de chauffe et enfin le goût et la précision de l’artiste. L’œuvre d’art émaillée peut être abîmée par les dommages des bords du corps causés par des chocs mécaniques ou le manque de chauffe approprié, ainsi que des défauts dans la base en métal (comme ayant une strie dans la couche métallique) ou un manque de jonction forte entre les différentes couches.

   Différents types de motifs symétriques iraniens sont utilisés dans les peintures minãkãri, telles que l’eslimi, qui est l’un des motifs islamiques bien connu également utilisé dans l’architecture traditionnelle. La beauté de l’œuvre dépend du temps de chauffe et de la précision de l’artiste. La calligraphie finale est conçue sur le corps avant de se stabiliser par la cuisson. Comme nous l’avons évoqué, le plus grand risque pour l’émail est la séparation de la surface décorée en raison d’un choc mécanique. Par conséquent, des précautions doivent être prises lors du transport de l’œuvre. Si une partie de l’émail est séparée, elle doit être réparée immédiatement, sinon elle peut également endommager les autres parties. L’émail peut être lavé sans problème avec une éponge et de l’eau chaude car l’émail est recouvert d’un glaçage transparent.

Les Iraniens sont connus pour produire des objets de minãkãri de la plus haute beauté. Comme nous l’avons évoqué, le grand maître de l’émaillage d’Ispahãn est Shokrollãh Sani’zãdeh, dont l’ancêtre était un peintre renommé. L’une des œuvres inestimables de ce maître a été utilisée pour l’impression d’un timbre en vue de rendre hommage à l’artisanat iranien en 2008. L’objet original est conservé au Musée des arts traditionnels et de l’artisanat. Parmi les élèves distingués de Sani’zãdeh, nous pouvons nommer Gholãmhossein Feizollãhi, qui se distingue notamment par la beauté de ses motifs. Actuellement, certains artistes d’Ispahan continuent de produire des objets d’une grande finesse. Ces artistes présentent leurs œuvres dans la rue Tchahãr-Bãgh aux environs de la place Naqsh-e Jahãn.

Source: Teheran.ir

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