La révolution du saint Prophète selon Voltaire
Le plus grand changement que l’opinion ait produit sur notre globe fut l’établissement de la religion de Mahomet. Ses musulmans, en moins d’un siècle, conquirent un empire plus vaste que l’empire romain. Cette révolution, si grande pour nous, n’est, à la vérité, que comme un atome qui a changé de place dans l’immensité des choses, et dans le nombre innombrable de mondes qui remplissent l’espace; mais c’est au moins un événement qu’on doit regarder comme une des roues de la machine de l’univers, et comme un effet nécessaire des lois éternelles et immuables: car peut-il arriver quelque chose qui n’ait été déterminé par le Maître de toutes choses? Rien n’est que ce qui doit être.
Ce fut certainement un très grand homme, et qui forma de grands hommes. Il fallait qu’il fût martyr ou conquérant, il n’y avait pas de milieu. Il vainquit toujours, et toutes ses victoires furent remportées par le petit nombre sur le grand. Conquérant, législateur, monarque et pontife, il joua le plus grand rôle qu’on puisse jouer sur la terre aux yeux du commun des hommes.
J’ai dit qu’on reconnut Mahomet pour un grand homme; rien n’est plus impie, dites-vous. Je vous répondrai que ce n’est pas ma faute si ce petit homme a changé la face d’une partie du monde, s’il a gagné des batailles contre des armées dix fois plus nombreuses que les siennes, s’il a fait trembler l’empire romain, s’il a donné les premiers coups à ce colosse que ses successeurs ont écrasé, et s’il a été législateur de l’Asie, de l’Afrique, et d’une partie de l’Europe.
Voltaire et l’Islam: un itinéraire agité
Dans sa «Remarque pour servir de supplément à l’Essais sur les Mœurs» (1763), Voltaire écrit de l’Islam: «Il n’y a point de religion dans laquelle on n’ait recommandé l’aumône. La mahométane est la seule qui en ait fait un précepte légal, positif, indispensable. L’Alcoran [le Coran] ordonne de donner deux et demi pour cent de son revenu, soit en argent, soit en denrées. La prohibition de tous les jeux de hasard est peut-être la seule loi dont on ne peut trouver d’exemple dans aucune religion. Toutes ces lois qui, à la polygamie près, sont si austères, et sa doctrine qui est si simple, attirèrent bientôt à la religion, le respect et la confiance. Le dogme surtout de l’unité d’un Dieu présenté sans mystère, et proportionné à l’intelligence humaine, rangea sous sa loi une foule de nations et, jusqu’à des nègres dans l’Afrique, et à des insulaires dans l’Océan indien. Le peu que je viens de dire dément bien tout ce que nos historiens, nos déclamateurs et nos préjugés nous disent: mais la vérité doit les combattre.»
Source: Irib.ir
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