Chiisme d’Arabie: Chiisme et royaume wahhabite aux 19 ème et 20 ème siècles
Il serait erroné de vouloir déceler dans cette situation la preuve d’un «réflexe de survie» qui s’expliquerait par la crainte qu’aurait cette communauté de voir ses revendications extranationales sanctionnées par une répression de la part des autorités saoudiennes. Il suffit pour s’en convaincre de se pencher sur la situation telle qu’elle régnait dans le «pays» au début du XIXème siècle. A l’époque, le souverain saoudien Ibn Saoud s’était lancé dans une opération de conquête de la péninsule arabique, prélude à la constitution et à la consolidation du futur royaume saoudien, soumis alors à occupation ottomane. Mais pareille entreprise nécessitait un appui des populations autochtones, soit en participant à l’action d’Ibn Saoud, soit en optant pour une attitude quiétiste.
C’est ainsi que le souverain saoudien, en prélude de sa reconquête de la ville de Hofouf, située à l’est de l’Arabie saoudite, s’assurera au préalable de l’appui des habitants de cette ville ainsi que des sites environnants. Il entrera à cet effet en contact avec un ensemble de leaders politico-religieux, dont le cheikh chiite Moussa bou Khamsin, et leur proposera un pacte. En échange de leur passivité devant l’avancée des troupes saoudiennes, Ibn Saoud s’engageait à garantir aux chiites, une fois sa victoire assurée, une totale liberté de culte, ainsi que l’octroi de conditions maximales de sécurité et d’équité, en échange de leur allégeance au nouveau pouvoir 1.
La même question fera beaucoup plus débat quand elle se posera vis-à-vis de la communauté chiite saoudienne de la ville de Qatif, située plus au sud. Mais les divisions seront finalement surmontées du fait du cheikh Ali abou Abdelkarim al-Kheneyzi, leader influent qui tranchera en faveur d’une absence d’opposition aux avancées des troupes saoudiennes. Ainsi, en l’espace des deux seuls mois d’avril et mai 1913, le souverain avait réussi, du fait de sa composition avec les principaux leaders chiites de l’Est saoudien, à asseoir sa présence sur toute une région. Il tiendra par la suite ses promesses concernant l’octroi de la liberté de culte ainsi que de conditions sécuritaires optimales, et procédera même par la suite à la nomination du cheikh Ali al-Kheneyzi au rang de juge suprême de la province Est.
Une preuve de confiance d’autant plus manifeste que ce dernier devenait compétent pour traiter les affaires des ressortissants chiites comme sunnites de sa province 2.
Notes:
1. Sur ce pan important de l’histoire de l’Arabie saoudite, voir Jacques Benoist-Méchin, Ibn-Séoud ou la naissance d’un royaume, Paris, Editions Complexe, pp. 161-273.
2. Sur cet aspect, ainsi que les principales personnalités saoudiennes chiites présentes comme passées, voir dans le dossier spécial mis en ligne par le site de la chaîne satellitaire al-jazeera: http://www.aljazeera.net/NR/exeres/DFA7FF15-6E4C-4C8F-86FD-1901BC8C15B9.htm
Source: Barah Mikhail, La question de la Marja’iyya chiite, Paris: IRIS, 2005
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