Chiites du Bahreïn: la “chiitophobie” chez les sunnites
C’est ainsi que l’on ne peut que constater cette phobie constante qui entretient les sunnites du Bahreïn comme leurs homologues régionaux : pour la majorité d’entre eux, on ne peut exclure la tentation pour les chiites, où qu’ils se trouvent, d’opter tôt ou tard pour une mise sous coupe d’une Marja’iyya et/ou d’un gouvernement tiers. D’où les accusations que se voient régulièrement opposer les chiites de vouloir former un Etat dans l’Etat, en dépit de la complexité dont le chiisme fait finalement preuve, que ce soit au Bahreïn ou ailleurs.
Bien entendu, on ne peut en rien nier, aujourd’hui comme hier, la présence d’un «fait chiite» au Bahreïn. Mais la question essentielle posée aujourd’hui est celle de savoir si les bahreïnis chiites ont plutôt été, le long de l’histoire, sensibles à des enjeux politiques internes, comme ils l’affirment, ou plutôt à des influences externes, et plus précisément iraniennes, comme le sous-entendent amplement les membres de la famille régnante.
Un regard sur l’action des principales structures de rassemblement politique des chiites bahreïnis le long des années 1990 accroît en tous cas l’hypothèse selon laquelle ceux-ci n’ont eu de cesse de se positionner par rapport à des enjeux politiques citoyens et strictement nationaux, caractérisés par leur volonté de contribuer à l’édification d’un Etat dans lequel leurs droits seraient enfin pleinement et entièrement reconnus. Preuve parmi d’autres de cette situation, les principaux événements par lesquels se sont caractérisées les principales instances de l’opposition politique chiite du pays le long de cette période. C’est principalement dans les années 1994-1998 qu’auront lieu les échauffourées les plus sérieuses entre les forces armées envoyées par Manama et des manifestants descendus dans la rue afin de protester face à la situation économique et sociale qui leur était faite.
Ces quatre années se caractériseront ainsi par de multiples affrontements, bien évidemment porteurs de beaucoup de sens pour qui cherche à y déceler la traduction d’une frustration effective de la part des chiites nationaux, mais qui méritent en parallèle d’être relevés pour ce qu’ils représentaient en termes de structuration de la vie politique bahreïnie.
Source: Barah Mikhail, La question de la Marja’iyya chiite, Paris: IRIS, 2005
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