La structuration chiite bahreïnie contemporaine: Al-Wifaq
Concrètement, trois structures majeures quoique non exclusives peuvent être considérées comme représentatives de l’essentiel des intérêts des chiites du Bahreïn: le mouvement al-wifâq, l’Association de l’Action islamique (Jam’iyat al-‘amal al-islãmî) et l’Assemblée nationale de la Fraternité (Jam’iyat al-akhãa al-wataniya). Tous trois comptent au rang des partis nationaux chiites, sont représentatifs d’une opposition nationale effective pour les deux premiers d’entre eux, et ont pour réputation d’être exclusivement composés de chiites. Ce qui, pourtant, n’est pas toujours conforme à la réalité 1.
Le mouvement al-wifãq est réputé fédérer le plus grand nombre des chiites bahreïnis, soit plus de 65 000 personnes sur un total de 240 000 environ 2. Cette évaluation, bien que difficilement vérifiable, est néanmoins conforme à l’importance connue de l’action d’al-wifãq sur l’échiquier national bahreïni.
Dirigé par le cheikh chiite Ali Salman depuis le début des années 1990, ce mouvement ne saurait se voir accoler d’orientation une et précise. Ses revendications concernent les modalités de vie en société, certes, mais les aspirations et tendances qui coexistent en son sein sont multiples. Ainsi, si les chiites y sont majoritaires, il n’en demeure pas moins qu’un certain nombre de personnes d’obédience sunnite, issues de couches sociales et de corps de métier divers et variés, y gravitent également. Le mouvement al-wifãq en appelle en effet à l’instauration d’une société pluripartite, respectueuse de l’ensemble des tendances politiques, sociales et religieuses du pays, indépendamment de la primauté d’une quelconque obédience confessionnelle. Soit des requêtes qui coïncident a priori avec les aspirations de tous les Bahreïnis soucieux de voir leur pays favoriser l’ouverture et la pluralité à tous niveaux. Loin d’un quelconque exclusivisme chiite, al-wifãq donne l’image officielle d’un mouvement attaché à l’œcuménisme.
Il est tentant de voir dans la personnalité et le parcours du leader d’al-wifâq, le cheikh Ali Salman, les motifs principaux de la méfiance entretenue par le pouvoir vis-à-vis de cette formation. Bien que Bahreïni d’origine, Salman a en effet reçu la plus grande part de son enseignement religieux dans la ville de Qom, ville iranienne sainte du chiisme, au début des années 1990.
Notes:
1. Ces formations ne doivent pas nous faire oublier l’existence de l’Association de l’Action nationale démocratique (Wa’d), menée par Ibrahim Sharif, composée de sunnites aussi bien que chiites, et qui compte parmi les formations d’opposition nationale les plus prometteuses. Wa’d joue ainsi aujourd’hui une stratégie d’alliance avec ses homologues chiites, mais il conviendra de voir si cette tendance pourrait se maintenir à l’avenir.
2. International Crisis Group, Bahrain’s Sectarian Challenge, op. cit., p. 14. Notons que les instances concernées ne communiquent pas de chiffres sur le nombre effectif de leurs membres.
Source: Barah Mikhail, La question de la Marja’iyya chiite, Paris: IRIS, 2005
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