Chiites bahreïniens: ségrégation et exclusion politique du cadre national
On ne saurait nier le fait que l’année 1979 aura constitué un tournant dans la manière par laquelle la dynastie régnante au Bahreïn allait «envisager» ses relations vis-à-vis de sa majorité chiite. Si la période précédant la révolution islamique iranienne avait en effet eu pour particularité de pousser le gouvernement à pourchasser tout ce qui s’assimilait pour lui, de près ou de loin, à une opposition politique «radicale de gauche», le début des années 1980 mettra beaucoup plus en évidence une animosité entre la minorité nationale sunnite et les ressortissants chiites, qui ne sera plus démentie par la suite.
Or, une analyse attentive de la donne politique présente au Bahreïn montre que, plus qu’en termes d’affiliation confessionnelle, c’est en fonction de leurs revendications politiques que les nationaux chiites ont tendance à s’organiser.
C’est ainsi qu’il convient ici de bien séparer la réalité sociale de l’interprétation qui en est faite par le gouvernement. Les nationaux chiites déplorent en effet très régulièrement les entorses à la citoyenneté dont ils sont victimes, et qui les empêchent notamment de pouvoir prétendre à l’enrôlement dans l’armée bahreïnie ou à des postes relevant du ministère de l’Intérieur. Cela les pousse ainsi à manifester régulièrement leur mécontentement à travers l’organisation de manifestations ou encore l’exigence de leur droit à soumettre leurs doléances à l’exécutif. Le gouvernement, pour sa part, craintif devant ce qu’il interprète comme étant la présence d’une «cinquième colonne» menaçante pour ses intérêts et sa stabilité, ne se prive pas de dénoncer les opérations de contestation de la gestion politique nationale, sous-entendant fréquemment et très largement que les revendications citoyennes des chiites cachent un téléguidage d’origine étrangère (i.e. iranien).
D’où un cercle vicieux qui continue à prévaloir sur le terrain, accusations et contre-accusations ayant pour seul effet de conforter les chiites dans leur sentiment d’exclusion de la sphère politique et citoyenne de leur pays.
Source: Barah Mikhail, La question de la Marja’iyya chiite, Paris: IRIS, 2005