Les chiites du Bahreïn
Le Bahreïn a pour particularité d’être le seul Etat de la péninsule arabique à majorité nationale chiite. Cette situation se double de surcroît de cette originalité qui fait que le pouvoir est aux mains d’une dynastie sunnite: la famille Al-Khalîfa. Les troubles sociaux traversés régulièrement par le royaume du Bahreïn poussent ainsi très fréquemment le pouvoir à vouloir considérer que les groupes contestataires de sa politique sociale restent motivés par la part confessionnelle de leur identité – le chiisme – plutôt que nationale.
Il est bien évidemment tentant de vouloir déceler dans une telle accusation, qui reste d’ailleurs le plus souvent implicite, une tentative d’occultation par le pouvoir bahreïni de la sincérité de la contestation sociale de ses ressortissants plus qu’une quelconque volonté réelle de stigmatisation des chiites nationaux.
Mais il n’en demeure pas moins que la part de méfiance réellement entretenue par la famille al-Khalîfa – ainsi que par les ressortissants sunnites du Royaume – vis-à-vis des Bahreinis chiites n’est pas feinte. Cette polarisation inter-bahreïnie, qui semble d’ailleurs à mettre principalement au compte du lourd climat de suspicions entretenu à l’encontre des chiites depuis la révolution islamique iranienne de 1979, contribue ainsi à alimenter aujourd’hui les préoccupations qu’entretiennent certains quant à la possibilité présumée pour les chiites bahreinis de pouvoir se fondre à terme au sein d’un «croissant chiite» dirigé par Téhéran. Pareilles appréhensions se voient évidemment étayées, aux yeux de beaucoup,
par la capacité qu’ont eu les chiites du Bahreïn à s’organiser au sein d’instances politiques nationales représentatives de leurs intérêts. Intérêts qui, pourtant, sont le plus souvent citoyens, et revendiqués comme tels par les membres de ces formations.
Source: Barah Mikhail, La question de la Marja’iyya chiite, Paris: IRIS, 2005