Les Chiites du Bahrëin: les répercussions de la Révolution islamique
Le départ de ces leaders religieux chiites n’impliquera cependant pas pour autant une diminution de la présence chiite bahreïnie sur le terme. Ainsi, et en dépit de la méfiance atavique entretenue entre sunnites et chiites à travers les temps, ces derniers ont réussi à maintenir une présence majoritaire que l’on retrouvera dans le cadre de l’Etat du Bahreïn contemporain.
Dans les faits, ce sont les craintes entretenues par les Arabes et les sunnites en général vis-à-vis de la révolution islamique en Iran de 1979 qui mettront soudainement en exergue des tensions exacerbées entre sunnites et chiites du Bahreïn.
Contrairement à ce qui prévalait jusqu’alors, le gouvernement bahreïni se lancera à cette occasion dans une mise à mal de toute représentation chiite religieuse potentielle au sein de l’émirat. Symboliques et très significatives seront, à cet égard, les expulsions de deux illustres représentants chiites dans le pays, Hadi al-Mudarresi et Sadiq Roujani. Officiellement, les deux hommes étaient accusés d’avoir cherché à organiser des troubles anti-gouvernementaux. Implicitement, il apparaissait ainsi que l’exécutif bahreïni cherchait à mettre en garde quiconque serait tenté de profiter des bouleversements récemment intervenus en Iran afin de favoriser l’émergence d’un pouvoir chiite bahreïni qui, de surcroît, se placerait pleinement sous la coupe de l’ayatollah Khomeyni. Mais dans les faits, force est de constater que de telles craintes semblaient très largement surestimées. Le cheikh Mudarresi, bien qu’ayant une réputation de «chiite radical», n’avait en effet jamais prôné une quelconque allégeance à la personnalité de l’ayatollah Khomeiny, bien que s’étant toujours revendiqué des enseignements de l’ayatollah Mohammad al-Shirazi. De même, son expulsion ainsi que celle du cheikh Roujani étaient loinde pouvoir signifier la mise à mal effective de toute représentation spirituelle chiite dans le pays. Le chiisme bahreïni a pour particularité de ne pas détenir de marja’iyya locale, certes.
Mais il ne reste pas moins que les personnalités chiites nationales importantes sont loin de pouvoir être clairement énumérées, tant elles sont nombreuses. Et ce même s’il convient de retenir, parmi les cheikhs illustres du chiisme bahreïni, les noms de Abdallah al-Fariqi, Mohammed Mahfouz, Hamad Mubarak, Hussein Najati, ou encore Issa Qassem.
Source: Barah Mikhail, La question de la Marja’iyya chiite, Paris: IRIS, 2005