La céramique dans l’architecture
Au sein de l’art musulman, c’est le monde iranien qui a donné au décor architectural ses polychromies les plus éclatantes, en transformant les mosquées, les palais ou les mausolées en oasis d’émail. Cependant, cette «peau» de couleur n’a que progressivement recouvert les édifices. Pendant les premiers siècles, le décor est construit avec le matériau de construction: la brique, avec laquelle les artisans dessinent des motifs géométriques.
Dès 1ère seljoukide (XIe-XIIe s.), des céramiques turquoise sont découpées et incrustées ponctuellement dans ces dessins de briques.
Par un contrepoint chromatique, elles en soulignent les contours, en dynamisent les motifs, allègent les masses. Les lettres des calligraphies sont souvent recouvertes d’un émail bleu-turquoise qui augmente leur lisibilité et anime leurs sens. Dès le XIVe s., à l’époque mongole, d’autres couleurs s’ajoutent au décor: le bleu, le blanc, le noir, puis le jaune. Les surfaces décorées deviennent aussi de plus en plus grandes.
Apparus au XIIe s. pour les objets, le minãi et le lustre métallique sont employés à l’occasion pour l’architecture.
L’époque timouride (XIVe-XV- s.) va pousser plus loin encore l’unité et le mariage de l’architecture et du décor. Son esthétique s’inspire de la Perse, mais c’est en Asie centrale que l’on trouve ses principaux chefs-d’uvre, principalement à Samarkand.
Sous les Safavides (1501-1732), les céramiques architecturales connaissent leur période la plus grandiose. La majorité des uvres se concentre à Isfahãn. Fruit de plusieurs siècles d’expérience, la grâce de l’architecture se marie à une polyphonie de couleurs, et les céramiques recouvrent presque toutes les surfaces apparentes. La fin des Safavides amorce un certain déclin du goût et de la qualité des décors. Les revêtements de céramiques sont aussi moins ambitieux et imaginatifs, et l’influence européenne engendre parfois des mélanges esthétiques peu heureux.
A Shirãz, capitale de Karim Khãn Zand au XVIIIe s., les artistes introduisent la couleur rose dans les céramiques, en hommage aux fameuses roses de la ville. Le décor, où foisonnent les roses et les illets roses, est charmeur et délicat, mais il n’évite pas la mièvrerie. Sous les Qãjãrs (1779-1925), les harmonies de couleurs sont parfois acides et rudimentaires, ou au contraire doucereuses et précieuses. A côté de belles créations géométriques, les céramiques s’ornent de scènes religieuses, de personnages ou de paysages à l’européenne, dans une esthétique naïve et répétitive. Aujourd’hui, des artisans créent toujours des carreaux de céramique émaillée pour décorer religieux, mais l’esthétique assez académique a perdu de sa sève et de sa profondeur.
Source: RINGGENBERG. Patrick, Guide culturel de l’Iran, éd. Rowzaneh, Téhéran, 2005, PP.167-168.