Le décor géométrique
C’est en Iran que le décor géométrique de polygones et d’entrelacs a connu sa première grande expression. Disposés de façon régulière sur les murs ou les objets, ils créent un réseau de motifs abstraits, dont la lecture et l’interprétation sont pluridimensionnelles.
Leur géométrie stylisée, à la fois répétitive et variée, n’est pas seulement un jeu mathématique: elle traduit une métaphysique des nombres et des spéculations mystiques qui remontent à Pythagore, à Platon et aux néoplatoniciens.
L’Islam a repris et amplifié une telle conception, qui voit dans les figures géométriques (cercle, carré, étoiles, polygones, etc.) et certaines proportions mathématiques, comme le nombre d’or, un indice de Dieu, une synthèse de l’univers et un support de méditation. Principe de beauté, la symétrie évoque le miroir et sa symbolique: le monde est le reflet du Créateur et le cur est le miroir du Divin.
Le rapport entre le centre et les contours d’un motif évoque la relation du Divin (centre) et du cosmos (périphérie), de l’âme et du corps, du monde caché et du monde apparent.
Reflets de l’unité divine dans l’âme et le monde, les nombres fondamentaux sont associés à des figures géométriques et à des notions philosophiques ou mystiques: le 1 et le point peuvent évoquer l’unicité et l’Intellect divins; le 5 et le pentagone, les cinq prières de l’Islam ou la sainte famille chiite (Mohammad, Fatima, ’Ali, Hassan et Hussayn); le 6 et l’hexagone, les six jours de la création; le 7 et l’heptagone, les sept planètes astrologiques ou les sept circumambulations autour de la Kaaba; le 12 et le dodécagone, les signes du zodiaque et les douze Imams chiites.
Le dessin de la plupart des motifs s’obtient par la méthode dite de la division du cercle. Dans un cercle, on inscrit deux carrés. Puis on relie par des droites les points d’intersection qui sont multipliés par le nombre croissant de lignes et qui permettent de tracer toujours plus de droites. Finalement, on obtient un canevas géométrique, sur lequel, en sélectionnant quelques lignes, on fait apparaître un motif unique, que l’on peut reproduire en série en répétant le même processus.
Cette démarche élémentaire a une portée à la fois pratique et symbolique. La division du cercle marque un passage de l’unité au multiple. La genèse de chaque motif décoratif reproduit ainsi le mystère de la création, dont la complexité a jailli de l’unité divine symbolisée par le point.
Né de la géométrie, chaque motif rayonne de l’harmonie universelle et fait écho à l’unité de Dieu présente partout. Les motifs floraux sont également construits en fonction de formes fondamentales (carré, cercle, etc.) et de la symétrie. On retrouve encore ces canevas géométriques dans les tracés directeurs qui servent à dessiner les plans de certains édifices. Cette présence de la géométrie ne produit pas un art figé et rigide, car elle est toujours compensée par un dessin fluide et la vitalité des couleurs. Le principe de l’esthétique islamique est comparable à ce que l’on peut observer dans la nature: les pétales d’une rose sont une géométrie dilatée et magnifiée par la vie, la lumière et le parfum. Les uvres musulmanes sont de même l’union d’une l’intelligence qui règle et construit, et de la vie qui fait respirer l’univers et l’homme dans un même souffle.
Source: RINGGENBERG. Patrick, Guide culturel de l’Iran, éd. Rowzaneh, Téhéran, 2005, PP.132-133