L’histoire de la transmission des légendes chez le peuple iranien (3)
Grâce à la diffusion par les chanteurs-conteurs, que les événements historiques et les légendes religieuses furent conservés par le peuple jusqu’au moment où on a commencé à les recenser et à en rédiger les histoires. Le fruit de la collecte de tous les événements historiques ou les légendes jusqu’alors transmis par oral, fut la création d’une histoire écrite.
Il faut toutefois préciser que la poésie a préexisté à toute autre forme littéraire et s’est appuyée sur la musique pour être proposée aux souverains et au peuple.
Après l’empire Parthe, les poètes et conteurs ont acquis la respectabilité et ont vu l’institution par la dynastie sãssãnide d’un corps de métier officiel, accompagnant le roi et sa cour dans ses déplacements. Bahrãm Gour ou Bahrãm V, (règne. 420-438), l’un des rois sãssãnides, a fait venir des conteurs et des musiciens d’Inde afin de distraire son peuple.
Dans le Shãhnãmeh, Ferdowsi décrit comment les gosãn étaient fréquemment sollicités pour venir conter les histoires des rois d’Iran aux rois de l’époque. Ceux-ci pouvaient être assistés par des narrateurs moins qualifiés et destinés aux récits de pur divertissement car ces histoires composées de manière moins formelle que les poésies religieuses et les contes canoniques, servaient d’avantage à la distraction qu’à l’instruction historique. Parmi ces récits, on trouve le célèbre Hezãr Afsãn, une œuvre sassanide en prose qui a constitué la base des Mille et une nuits. [1]
La transposition des évènements historiques et légendaires du langage oral au langage écrit, semble avoir dévalorisé la tâche du conteur. Or, en Iran, l’activité du conteur ne s’achève pas uniquement avec la consignation écrite de ces histoires.
Bien que ces histoires aient été retranscrites, ce qui a contribué à ralentir leurs mutations, elles ont continué à vivre intensément et à évoluer dans le public. Malgré le fait que ce soit à partir d’un remaniement de poèmes épiques, bien ancrés dans la culture iranienne, que Ferdowsi a pu composer son Shãhnãmeh, son œuvre s’inscrit néanmoins en partie dans la longue tradition des histoires épiques colportées par les conteurs.
En effet, à cette époque, contrairement à ce qui se passe de nos jours, le peuple n’était pas instruit; les conteurs, même s’ils avaient la chance de posséder le livre qui contenait l’histoire à raconter, donnaient vie à leur récit surtout par leur capacité à improviser de nouveaux développements dans les légendes et les contes historiques. Même si les guerres et les destructions volontaires anéantissaient ces livres, tout ce qu’il en restait dans la mémoire du conteur ou de son public servait de base à de nouveaux écrits dans lesquels étaient retranscrits également les préoccupations essentielles de l’époque.
Tous ces éléments et la relation qui existait entre le texte et le conteur démontrent l’importance du rôle du conteur en Iran et de son développement en ce qui concerne la diffusion de l’information et de la culture.
Il apparaît clairement que les conteurs étaient considérés comme des vecteurs de leur culture, comme ils le sont encore aujourd’hui. Les œuvres transcrites à partir des récits des conteurs, même aux périodes plus anciennes, ne sont pas considérées comme originales mais plutôt comme adaptées de sources déjà connues. L’usage des verbes naql kardan et ravãyat kardan (les deux signifiant littéralement «transmettre») insiste sur ce rôle du conteur en tant que vecteur plutôt que créateur. De ce fait, le rôle du conteur s’oppose à celui de l’artiste créatif, vu sa position au regard de la tradition littéraire et ses fonctions vis-à-vis de son assistance, aussi est-il important d’examiner comment s’est perpétué ce rôle de transmetteur au cours de l’histoire.
Note:
[1] Boyce, Mary, «
The Parthian gosãn and the Iranian ministrel tradition», in Journal of the Royal Asiatic Society, 1957, P. 39.
Source: Teheran.ir