Evolution des maisons de café depuis le XVIe siècle (1)
La date de la fondation de la première maison de café ne nous est pas clairement connue. Les cafés traditionnels sous la forme actuelle sont issus de la tradition des maisons de café qui remonte à l’époque de la dynastie safavide.
Les premiers cafés seraient probablement apparus à Qazvin sous le règne de Shãh Tahmãsp Ier (1524-1576), puis à Isfahãn [1] sous le règne de Shãh ’Abbãs Ier (1571-1629).
Les maisons de café ont connu une expansion toute particulière à l’époque de Shãh ’Abbãs pour devenir des lieux de rencontre prestigieux, de sorte que les princes et les gens de la cour recevaient parfois les ambassadeurs et les envoyés des pays étrangers dans les cafés d’Isfahãn.
Il est possible que les premiers cafés aient été créés dans le but de divertir en particulier une catégorie privilégiée, mais d’après certains documents, les cafés étaient non seulement l’endroit où se retrouvaient l’aristocratie et les artistes mais aussi celui où les gens du peuple se rendaient pour écouter les conteurs et les poètes, ainsi que pour regarder les tableaux, se distraire avec des jeux et d’autres divertissements.
Le café, à l’époque safavide, jouait plus ou moins le rôle d’une maison de la culture. Les conteurs, les poètes, les peintres et les calligraphes s’y rassemblaient. La musique et la danse y étaient aussi courantes: "A l’époque de Shãh ’Abbãs, dans la plupart des grandes villes d’Iran, surtout à Qazvin et à Isfahãn, on avait créé de multiples maisons de café.
A Isfahãn, les cafés célèbres étaient situés aux alentours de la place Naqsh-e Jahãn, Tchãhãrbãgh et du bazar de Qeysarieh.
Les différentes classes du peuple comme les riches, les courtisans, les chefs de Qezelbãsh, les poètes, les écrivains, les peintres et les commerçants y allaient pour passer le temps, voir leurs amis ainsi que pour se distraire avec différents jeux ou les dialogues des poètes, pour écouter les poésies duShãhnãmeh, les contes et les narrations ou bien pour regarder les différentes danses, jeux ou autres divertissements." [2]
Même si en dehors des cafés, des représentations théâtrales ou des contes avaient lieu dans des maisons privées, à l’occasion de fêtes familiales ou simplement dans la rue, le peu de lieux publics de distraction a fait des cafés des endroits privilégiés où les gens pouvaient satisfaire leur envie de spectacle. Ainsi, les clients assidus avaient l’opportunité d’écouter régulièrement des récits. L’intérêt et l’affluence des amateurs de spectacles permettaient aux conteurs itinérants de gagner facilement de l’argent en racontant des récits. Les cafés, dans lesquels il y avait un conteur attitré, attiraient beaucoup de public et cela a contribué à enraciner ce style de divertissement dans les habitudes culturelles iraniennes.
Ces maisons de café étaient également des endroits où les gens de toutes les catégories sociales pouvaient se rassembler, passer leur temps libre et discuter, après leur journée de labeur en buvant du thé et en profitant des spectacles.
Elles constituaient ainsi un centre de vie sociale pour les gens qui s’y trouvaient. Certains commerçants venaient pour présenter, vendre leurs marchandises ou négocier des affaires et les banquettes faisaient office de bureau pour compter leurs gains et leurs dépenses: "La maison de café était un lieu dans lequel on pouvait rencontrer toute sorte d’individus, même les survivants de l’aristocratie y allaient pour changer d’air. Au coucher du soleil, après avoir terminé leur travail, les marchands, les artisans, les artistes peintres, les plâtriers, les maçons, les maîtres maçons etc. se précipitaient vers les cafés de leur quartier pour passer une bonne partie de leur temps dans le but de se détendre et d’écouter les paroles d’un conteur." [3]
Notes:
[1] Capitale du pays à l’époque safavide.
[2] Falsafi, Nasrollãh, «Darbãre-ye qahveh va qahveh-khãneh» [A propos du café et la maison de café], inSokhan, n° 5, Téhéran, 1954, p. 261.
[3] Kalãntari, Manoutchehr, «Naqãshãn-e hemãseh sarã» [Peintres représentant des épopées], in Honar va Mardom, n° 134, Téhéran, août 1973, p. 2.
Source: Teheran.ir