Carlo Bini
Carlo Bini n’est assurément pas le prisonnier le plus fameux de l’île d’Elbe, sur laquelle il ne séjourna que trois mois et demi, mais où il put rédiger ses deux seules œuvres importantes.
La politique le mena à la prison, qui le mena à l’écriture, même si celle-ci est fort éloignée des querelles idéologiques. Paradoxalement encore, la bibliothèque de Napoléon eut au moins le mérite de servir aux écrivains démocrates.
Auparavant, Carlo Bini avait fréquenté avec autant d’assiduité les tavernes que les milieux littéraires. Son scepticisme teinté d’humour s’accommode à merveille de l’influence de Sterne, auquel il consacra un essai et dont il traduisit le Tristram Shandy. Si ses écrits ne furent publiés qu’après sa mort par des admirateurs tels que Mazzini et Manzoni, on peut en deviner la raison probable – dans une lettre à Adele Perfetti de Witt, sa maîtresse:
"Oh! mon grand talent me fait pitié. Peut-être aurais-je pu écrire des livres si j’avais voulu, mais à quoi bon ?"
Dans le Manuscrit d’un prisonnier, Bini n’a cure de construire un récit – fût-il fragmentaire –; il systématise la forme digressive, faisant fi tant du témoignage édifiant que du roman à proprement parler.
Les thèmes, les réflexions sur l’ennui, la société, le suicide sont toujours passés au crible de son ironie féroce et désespérée : "La société actuelle est fausse, injuste, pourrie dans toutes ses fibres." Ce négociant homme de lettres ne mourut pourtant qu’à trente-six ans.
Source: Jose-corti.f