Confidences avec et sur l’historien Robert Faurisson (4)
En confidence III
Entretien avec « L’Inconnue» par Robert FAURISSON 28 décembre 2007 (suite)
XXX: Vous avez devancé ma question sur votre affinité avec Victor Hugo; le rapport que vous entretenez avec lui, comme avec tous les écrivains que vous avez mentionnés, répond tout à fait à mon attente. Vous avez emprunté les rails sur lesquels je souhaitais vous voir vous élancer afin de sortir gaiement de la prison mentale dans laquelle vous a enfermé la concentration nécessaire à votre combat. J’espère que cette escapade buissonnière dans les belles-lettres vous est aussi agréable qu’à moi; je vous voyais quelque peu corseté par votre entêtement, formant comme un couple inséparable, de type sado-maso, avec vos ennemis, dans des rôles, d’un certain point de vue, d’ailleurs interchangeables, et acculé comme eux dans une impasse. Continuons ce délassement, laissons-nous aller. Comme un vrai romantique, vous expliquez votre passage de la gauche de votre jeunesse à la défense des grands vaincus de la Seconde Guerre mondiale par l’attirance obstinée envers les perdants. C’est très beau, exaltant et généreux. Si l’Allemagne nazie avait gagné la guerre, vous porteriez-vous maintenant à la défense des démocraties judéo-centrées ? Vous aimez à citer l’éloge de Jeanne d’Arc par Joseph Delteil, un modèle d’écriture surréaliste, et , de ce fait même, violemment engagé à gauche, tendu par la révolte contre les conformistes et les frileux, les descendants de ceux qui ont voulu la mort de Jeanne d’Arc, celle qui ruait dans un jeu de quilles. Comment concevez-vous le rapport entre l’intellectuel et le peuple?
RF: Je ne goûte pas trop le romantisme de celui qui «porte son cœur en écharpe»; je préfère le romantisme de «la force qui va». L’énergie, oui; le dolorisme, non. Classique ou romantique, la littérature française ménage, par ailleurs, trop de place à l’amour. De ce point de vue, Racine, que j’admire pour d’autres raisons, est assommant; et puis, aujourd’hui, la pilule a tué les tergiversations angoissées d’un Claudel sur le thème des «derniers engagements» et du «j’y va-ti, j’y va-ti pas?».
Hugo souffre de défauts particulièrement voyants; son emphase parfois et son côté «bouche d’ombre» agacent mais l’homme est complet et le monde qu’il a créé est complet; tous les genres et tous les tons s’y trouvent.
Quelle vigueur et quelle maîtrise! Je reviens souvent à la lecture des Contemplations; j’en ai su autrefois de longs fragments et, encore à mon âge, je m’en récite quelquefois de courts extraits, en marchant dans les parcs et les jardins de ma ville; je me les scande, jazze ou slamme à la manière de «Grand Corps Malade». J’en fais presque des vocalises, des variations, des fantaisies à la manière, en son temps, du Neveu de Rameau. Quant au théâtre, j’ai tendance à m’en éloigner. Les acteurs en font trop; ils donnent dans «l’expressionnisme» à l’allemande; c’est la grande mode: à fond la sono vocale et en se roulant par terre. Les rares fois où je me rends seul au spectacle, je loue un strapontin ou une place au fond de la salle pour pouvoir éventuellement m’éclipser. Or, en octobre 2003, rassemblant mon courage, je suis allé écouter un acteur de théâtre et de cinéma dont le jeu jusqu’ici me paraissait un peu trop appuyé. Il s’agissait de Philippe Noiret (tiens! tiens! un juif) récitant des extraits des Contemplations. Je n’ai pas regretté ma soirée: une merveille de justesse de bout en bout, depuis les poèmes les plus frais, drôles et moqueurs jusqu’aux plus poignants. Moi qui me méfie de la vie des écrivains ou, plutôt, de ce qu’on croit qu’a été leur vie, j’ai tenu, il y a bien longtemps, à visiter en pèlerin les maisons de Victor Hugo à Paris, à Villequier et à Guernesey. Moi qui n’apprécie guère qu’on en appelle aux bons sentiments surtout dans le domaine de la politique, j’ai encore maintenant l’envie de partir m’engager sous la bannière de Hugo quand, dans L’Homme qui rit, Gwynplaine, au visage déformé en un rictus pour plaire aux puissants, se lance, à la chambre des Lords, dans une vibrante défense de la cause du peuple.
Vous le voyez, la force de Hugo nous oblige à sortir de nous-mêmes. Cette force, Baudelaire en a fait la remarque, s’accompagne de bonté et de charité; «charité», voilà bien un mot passé de mode; il désignait l’amour de Dieu et du prochain: Hugo aimait Dieu et son prochain. (C’est un athée qui vous parle ici). Reportez-vous à ce que nous dit Hugo dans la préface des Misérables sur la dégradation de l’homme par le prolétariat, sur la déchéance de la femme et sur l’atrophie de l’enfant. Je n’ai rien publié sur ses œuvres. J’ai pourtant fait sur «Booz endormi» ce que je pense être une jolie découverte; j’ai écrit un papier là-dessus en collaboration avec un universitaire qui, peu d’années auparavant, avait été l’un des mes élèves, brillantissime, au Lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand; je m’apprêtais à publier notre étude commune quand les journaux ont claironné mon «révisionnisme»: l’étude a été refusée par l’éditeur et l’ancien élève, qui aujourd’hui détient une chaire en Sorbonne, ne m’a plus donné signe de vie.
Vous me voyez en «vrai romantique». Je pense être un «vrai classique» mais à la manière moderne, celle de Louis-Ferdinand Céline, dont je partage les vues et les goûts en bien des matières. Vous me demandez: « Si l’Allemagne nazie avait gagné la guerre, vous porteriez-vous maintenant à la défense des démocraties judéo-centrées?». Ma réponse est: fort probablement oui. Tout vainqueur définitif étant porté à l’excès (voyez le diktat de Versailles), il importe de veiller à ce qu’il n’abuse pas de sa position dominante. A propos de Joseph Delteil et de sa Jeanne d’Arc, vous m’interrogez sur ma conception du rapport entre l’intellectuel et le peuple. Ma réponse se trouve dans Les Dieux ont soif , d’Anatole France. L’intellectuel, surtout s’il est de gauche, est porté à se pousser du col. Il en devient nocif, dangereux et pourvoyeur de guillotine. Il est beau parleur. Volontiers il vous soupçonne de n’avoir ni autant d’intelligence ni autant de cœur qu’il ne s’en attribue et il doit donc, pour l’amour du peuple, vous en punir et, au besoin, vous «raccourcir». Je dis: «Méfiance! Aux abris!» Et puis sa lourde dialectique amène parfois l’intellectuel de gauche à se contredire avec un beau sang-froid. Voyez précisément Anatole France qui, après avoir publié ce roman historique en 1912, a , par la suite, plus ou moins approuvé le communisme moscoutaire. Je trouve l’intellectuel de droite généralement plus libre, plus tolérant (il n’est pas dans le vent!), doué de plus de talent et moins dangereux mais il a parfois tendance à croire en «l’élite» sans définir ce qu’il entend par là; ce qui est suspect, c’est qu’il se classe lui-même dans cette élite-là; ainsi que Molière le fait dire à Armande: «Nul n’aura de l’esprit hors nous et nos amis.» C’est ridicule. Que l’intellectuel de droite soit mis au ban des grands médias, je le déplore, mais le statut de réprouvé ne vous confère en soi aucune supériorité ni ne vous autorise à prendre la pose. En somme, la sagesse des auteurs anciens et de nos auteurs classiques aurait-elle, pour toujours et en tout domaine, raison sur le fond? C’est à se le demander.
Sources:
Plumenclume.net
Theses.enc.sorbonne.fr/document115.html
Fr.wikipedia.org
Mescladis.com
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